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Banque et cautionnement

L’appréciation de la disproportion d’un cautionnement au regard des facultés de remboursement de la caution

Auteur : OLLAGNON-DELROISE Carole
Publié le : 25/10/2023 25 octobre oct. 10 2023

De nouveau la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le point de savoir si le banquier peut se prévaloir d’une fiche de renseignements sur le patrimoine de la caution antérieure de plusieurs mois au cautionnement pour évaluer l’absence de disproportion ou la disproportion entre l’engagement souscrit par cette caution et ses facultés de remboursement, au jour de la signature de l’acte. 1 - Il convient de rappeler l’évolution législative dans laquelle cette problématique s’insère aujourd’hui. Avant le 1er janvier 2022, date d’entrée en vigueur de la réforme des sûretés concernant le cautionnement, les articles L.341-4 puis L.332-1 du code de la consommation disposaient :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

La sanction de la disproportion du cautionnement par rapport aux facultés de remboursement de la caution était donc l’inopposabilité de l’acte par la banque à la caution.

Le nouvel article 2300 du Code civil, qui est venu se substituer à l’article L.332–1 et s’applique aux cautionnements souscrits à compter du 1er janvier 2022, dispose désormais :

« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date. »

Dès lors la sanction de la disproportion au jour de la souscription de l’acte est aujourd’hui la réduction de la valeur du cautionnement au montant auquel l’engagement était possible.
  2 - Rappelons les règles jurisprudentielles sur la preuve et l’appréciation de la disproportion sous l’égide des textes anciens, qui ne devraient pas différer avec le nouvel article 2300 du Code civil : La preuve de la disproportion au jour de l’engagement incombe à la caution personne physique.

Le banquier a seulement l’obligation de justifier qu’il s’est renseigné sur la situation de cette dernière.

Il peut s’en ménager la preuve en faisant signer à la caution une fiche de renseignements sur ses revenus, patrimoine et charges.

Si lorsque la caution est appelée, si le banquier est en mesure de produire cette fiche, elle fait foi et le signataire ne peut contester les éléments d’information y figurant, sauf si le document présente des anomalies apparentes. 3 - Par deux arrêts rendus le 30 août 2023, dans des espèces où la banque produisait des fiches de renseignements antérieures de plusieurs mois à la signature du cautionnement, pour se prévaloir de l’absence de disproportion, la Cour de cassation a eu l’occasion de réaffirmer un principe déjà maintes fois jugé, selon lequel :  La fiche patrimoine ancienne, qui ne présente pas d’anomalies apparentes, vaut pour prouver la situation de la caution à la date à laquelle cette fiche a été remplie, mais doit être actualisée pour permettre l’appréciation de la disproportion au jour de la signature du cautionnement plus récent.

Dans la première espèce, favorable à la caution (Cour de cassation, chambre commerciale économique et financière, 30 août 2023, n° 22-13.270), la Cour a ainsi rappelé la règle jurisprudentielle déjà bien connue : 

« L’arrêt relève que la banque produit aux débats un dossier de financement notamment composé d’une fiche de renseignements datés du 1er juillet 2006 établi par M.L et retient que, compte tenu de l’ancienneté de cette fiche, M.L, est libre d’établir que sa situation financière et patrimoniale a évolué entre le 1er juillet 2006, date d’établissement de cette fiche, et le 7 novembre 2007, date du cautionnement litigieux (…) »

Dans la deuxième espèce, favorable à la banque (Cour de cassation, chambre commerciale financière et économique, 30 août 2023, n° 21-20.222), la Cour de cassation a introduit une nuance en mentionnant à deux reprises que les informations de la fiche de renseignements qu’elle retenait et actualisait pour apprécier l’absence de disproportion au jour du cautionnement, n’étaient pas contestées par les cautions

« Après avoir relevé que la fiche de renseignements du 27 janvier 2010 avait été établie 20 mois avant la conclusion des cautionnements et considéré que ce seul document ne permettait pas de déterminer l’étendue des revenus et patrimoine des consorts D, l’arrêt retient que ces derniers ne contestent toutefois pas être, comme mentionné dans la fiche, nu-propriétaire de biens immobiliers. Il retient également qu’il résulte de cette fiche que Madame D était propriétaire en propre de 10 immeubles évalués en janvier 2010 à 1 596 000 € et que, faute pour les consorts D de justifier de la valeur de leurs biens indivis au jour des engagements litigieux, il convient de retenir le taux minimum du barème fiscal, soit 10 %, ce qui aboutit à une valeur nette des biens de 704 700 € ou 352 350 € pour chacun des nu-propriétaire. Il en déduit qu’après actualisation de la fiche patrimoine sur la base des pièces produites par les consorts D, la valeur nette du patrimoine immobilier détenu par Madame D s’élevait à 352 350 € pour la nue-propriété du bien indivis et 1 575 649,40 euros pour les biens en propre (1 596 000 - 20 350,67), soit un total de 1 927 999,40 euros, ramené à 1 887 999,40 euros après déduction du cautionnement antérieur.

En l’état de ses appréciations, la cour d’appel, qui pouvait se fonder sur les indications non contestées d’une fiche de renseignements, fût-elle établie plusieurs mois avant la conclusion des engagements litigieux, en les confrontant avec les éléments de preuve versée au débat afin de déterminer la valeur des biens de la caution au jour de la conclusion des engagements litigieux, a pu retenir que Madame D de démontrer pas que ces engagements étaient manifestement disproportionnés assez bien et revenus »

Faut-il comprendre que, pour se défendre, les cautions auraient pu, au-delà de faire état d’une évolution défavorable de leur revenus, charges et patrimoine entre le jour de l’établissement de la fiche d’information et celui de la signature du cautionnement, contester l’état même de leurs revenus et patrimoine, figurant dans cette fiche ancienne, sans justifier d’une anomalie apparente ?

La question est en suspens …


Cet article n'engage que son auteur.

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