Concurrence et protection de l'entreprise
Auteur : OLLAGNON-DELROISE Carole
Publié le :
28/10/2008
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Comme en beaucoup de domaines, le dicton populaire « Trop de liberté tue la liberté » se vérifie en matière économique.
La concurrence déloyale et les clauses de non concurrenceL’ultra libéralisme favorise les situations d’entente, la création de monopoles et finalement la disparition de la concurrence.
Aussi, le droit a posé des barrières, le principe étant de limiter la liberté pour préserver l’existence même de la concurrence.
C’est ainsi que le système juridique offre aujourd’hui aux entreprises une batterie de moyens qui leur permet de se protéger des pratiques débridées.
Deux objectifs ont été poursuivis par le législateur et la jurisprudence :
- préserver la concurrence en luttant contre les pratiques déloyales au travers notamment de l’aménagement de l’action en concurrence déloyale (I),
- donner aux acteurs économiques les moyens de s’interdire mutuellement de se faire concurrence avec la pratique contractuelle des clauses de non concurrence pouvant être insérées dans bon nombre de contrats (II).
I. La lutte contre la concurrence déloyale
II. Les clauses de non concurrence
I. La lutte contre la concurrence déloyale
A. L'action en concurrence déloyale
Elle repose sur un principe fondamental du droit français selon lequel « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer » et a été forgé par la jurisprudence.
Il ne s’agit pas ici d’interdire la concurrence mais de sanctionner les violations des usages honnêtes du commerce exercé.
Il convient d’examiner les conditions de mise en œuvre de cette action (1) et les sanctions que les Tribunaux peuvent être amenés à prononcer contre un intervenant économique lorsque la démonstration d'agissements déloyaux peut être effectuée (2).
1. Les conditions de mise en oeuvre de l'action en concurrence déloyale
L'action en concurrence déloyale peut être exercée par une entreprise ou un syndicat professionnel (et non par un particulier ou une association de consommateurs) contre une autre entreprise.
Par ailleurs, elle suppose la démonstration d'une faute ainsi que d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les deux.
a) La faute
La faute peut être intentionnelle ou non intentionnelle (résulter d’une certaine imprudence).
Classiquement trois types de fautes peuvent fonder l’action en concurrence déloyale :
- Le dénigrement :
Il consiste à jeter le discrédit sur un concurrent directement ou indirectement (laisser croire que seule une entreprise ou un produit possèdent certaines qualités).
Le dénigrement ne se confond pas avec la diffamation et il peut être constitué même si l’auteur apporte la preuve des affirmations qu’il avance.
Il peut avoir un caractère collectif (un fabricant de fourrures synthétiques qui dénigrerait la fourrure naturelle en général).
Ainsi, l’action peut être exercée par une entreprise individuelle ou par un syndicat professionnel.
Le produit ou le concurrent visé doivent être identifiables.
- La confusion créée dans l’esprit du public par imitation
Il peut s’agir de l'imitation de l’entreprise elle-même par l’utilisation de son nom commercial ou de son enseigne.
Les tribunaux apprécient les situations au cas par cas en tenant compte du degré d'originalité du signe copié, de la situation de concurrence des entreprises en conflit et du rayonnement géographique de l'enseigne ou du nom imité.
Il peut s’agir également de l’imitation des installations du concurrent, de ses documents commerciaux ou publicitaires…
Il peut s’agir enfin de l’imitation des produits du concurrent par copie servile de produit ou plus subtilement de leur présentation (emballages, étiquettes).
Il n’y a pas toutefois de concurrence déloyale si la similitude répond à une contrainte technique (des pièces de rechange d’un même matériel ou outillage produit par des entreprises différentes se ressemblent nécessairement en raison de contraintes techniques et de compatibilité).
- La désorganisation de l’entreprise concurrente ou du marché :
La désorganisation de l’entreprise concurrente peut être caractérisée par l’utilisation d'un savoir-faire capté par manœuvres.
Toutefois, le simple fait d’utiliser ses compétences ne peut constituer de la concurrence déloyale.
De même, le seul fait de débaucher du personnel de l’entreprise concurrente, même massivement, n’est pas en soi constitutif de concurrence déloyale.
Il faut là encore des manœuvres telle que par exemple la proposition de salaires nettement supérieures sans réelle volonté de conserver les salariés après les avoir débauchés.
La désorganisation du marché lui-même est caractérisée, quant à elle, dans toutes les hypothèses de non respect de la réglementation en vigueur (utilisation de main d'œuvre non déclarée, non respect de normes de qualité réglementées…).
Dans ce cas, c’est souvent la branche professionnelle qui agit contre le commerçant se livrant à ce type de pratiques déloyales.
b) Le préjudice et les liens de causalité
Il convient de démontrer la perte de clientèle ou la perte d’une chance d’avoir pu obtenir un marché inhérent aux agissements déloyaux dénoncés.
La Cour de Cassation a jugé récemment qu’il n’est pas nécessaire de rapporter la preuve d’un préjudice chiffré pour en obtenir réparation.
Selon ses propres termes, " le préjudice s'insère de la faute".
2. Les sanctions
L’entreprise victime peut demander la condamnation de l’auteur d’agissements déloyaux à lui régler des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.
Elle peut également demander la cessation de ces agissements sous astreinte (moyennant le paiement d’une somme d’argent augmentant chaque jour tant que la cessation n’aura pas été effective).
Très exceptionnellement, la fermeture de l’entreprise concurrente, pour un temps limité et sur un rayonnement géographique également limité, peut être ordonnée.
Enfin, les Tribunaux peuvent également ordonner la publication de la décision de condamnation aux frais de la personne condamnée, sous astreinte.
B. Le parasitisme
Il y a concurrence parasitaire lorsqu’une entreprise établit qu’un concurrent cherche à profiter de ses propres investissements.
Ces agissements engendrent un risque de confusion, de banalisation ou de dévalorisation des produits de l’entreprise victime.
Ces agissements peuvent être opérés entre entreprises qui ne sont pas concurrentes et intervenir sur des marchés parallèles (utilisation du nom "champagne" pour vendre un parfum).
Le préjudice est l’affaiblissement de la notoriété de l’entreprise parasitée.
C. Deux actions voisines mais différentes: l'action en contrefaçon et l'action dénoncant des pratiques commerciales déloyales
1. L’action en contrefaçon
Elle n’est possible que lorsque la marque ou le produit copiés ont fait l’objet d’un dépôt à l’INPE et sont donc protégés.
Ainsi, l’action en contrefaçon consiste à défendre un droit privatif, à savoir un monopole d’exploitation, tandis que l’action en concurrence déloyale suppose simplement une transgression d’un usage honnête du commerce et ne défend pas un droit de propriété.
L’action en contrefaçon a pour objet de rétablir le monopole d’exploitation violé tandis que l’action en concurrence déloyale a pour objet simplement de faire cesser le comportement déloyal.
L'action en contrefaçon a un volet pénal, ce qui suppose que l’auteur de l’infraction sera puni par la condamnation au paiement d’une peine d’amende outre des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé, tandis que l’auteur des agissements déloyaux ne sera pas puni mais devra simplement réparer en payant des dommages et intérêts, l'action en concurrence déloyale ayant une nature exclusivement civile.
Ces deux actions peuvent toutefois se compléter.
Ainsi, là où l’action en contrefaçon a échoué, l’action en concurrence déloyale peut prospérer.
De même, l’action en concurrence déloyale peut permettre réparation des dommages résultant d’agissements parallèles à l’atteinte au droit protégé (dans une situation où le produit déposé aura été copié mais également son mode de commercialisation qui, quant à lui, n’est pas protégé).
2. L’action dénonçant des pratiques commerciales déloyales
Elle est ouverte aux consommateurs et associations de consommateurs et est dirigée contre les professionnels.
Elle est née du droit européen et est transposée aujourd’hui dans le droit français.
Les pratiques commerciales déloyales sont de deux natures :
- les pratiques agressives,
- les pratiques trompeuses (publicité mensongère).
Lorsque ces pratiques aboutissent à la création d’un contrat, le consommateur peut en obtenir l’annulation et voir condamner l’auteur des pratiques dénoncées à lui régler des dommages et intérêts.
* * *
Il existe une deuxième catégorie d'outils pour permettre aux entreprises de se protéger contre la concurrence, en agissant en amont.
Il s'agit des clauses de non concurrence qui peuvent être insérées dans les contrats.
II. Les clauses de non concurrence
Elles se situent au point de rencontre de deux principes juridiques antinomiques :
- la liberté du commerce et de l'industrie,
- et la liberté contractuelle.
A. Règles générales
Il convient d'examiner les conditions de validité des clauses de non concurrence (1), le régime de ces clauses (2) et la sanction de leur non respect.
1. Les conditions de validité d'une clause de non concurrence
a) La limitation quant à son objet
La clause de non concurrence doit déterminer la nature de l'activité dont elle entend limiter l'exercice.
b) la limitation dans le temps ou dans l'espace
Initialement il s'agissait de deux conditions alternatives.
Toutefois, de plus en plus de jurisprudences exigent la double limitation.
Il convient donc d'être extrêmement vigilants sur ce point.
c) l'exigence de proportionnalite
La clause de non concurrence doit répondre à une exigence de proportionnalité au regard de l'objet du contrat et des intérêts légitimes à protéger.
Les parties doivent s'assurer de ce que la clause n'aura pas pour résultat, même limitée dans son objet dans le temps et dans l'espace, d'interdire toute activité à un professionnel au regard des compétences pour lesquelles il est reconnu.
2. Régime de l'obligation de non concurrence
Il s'agit d'une obligation qui pèse sur la société personne morale ou la personne physique exerçant en nom propre exclusivement.
On dit dès lors qu'elle est personnelle au débiteur.
Cette obligation est également transmissible dans certaines conditions aux héritiers du débiteur et aux sous acquéreurs.
3. Les sanctions du non respect d'une clause de non concurrence
En cas de litige, la clause est généralement interprétée au profit du débiteur de l'obligation de non concurrence.
La sanction est la résolution du contrat qui contient la clause pouvant être assortie de dommages et intérêts ou, au choix du demandeur, la condamnation au paiement de dommages et intérêts exclusivement.
La sanction peut également être la condamnation du débiteur à cesser l'activité exercée au mépris de la clause de non concurrence car c'est la concurrence elle-même qui est illicite.
B. Les régimes spéciaux
1. La cession de fonds de commerce
Il est usuel, dans ce type de vente, de rencontrer des clauses de non concurrence.
Plus généralement, le vendeur est également soumis à la garantie d'éviction qui lui fait obligation de ne pas entraver l'activité de l'acquéreur.
2. Le bail commercial
Le bailleur doit assurer au preneur la jouissance paisible des murs.
Toutefois, l'exclusivité d'y exercer un type d'activité n'est possible que si elle résulte d'une clause expresse figurant au bail.
En présence d'une telle clause, le preneur est en droit d'exiger du bailleur qu'il fasse respecter la non concurrence par les autres locataires de l'immeuble.
3. Le contrat de travail
Il est possible d'insérer dans un contrat de travail une clause de non concurrence en prévision de la rupture ou du terme de ce contrat.
Une contrepartie pécuniaire doit impérativement être prévue dans la clause pour garantir sa validité.
* * *
En conclusion, on peut affirmer que le chef d'entreprise dispose aujourd'hui d'un arsenal de moyens pour faire respecter les bonnes pratiques et évoluer dans un environnement de concurrence saine.
Pour bien utiliser les outils à sa disposition, il doit avoir le réflexe de consulter son avocat, notamment avant de contracter, quel que soit le type de contrat.
Cet article n'engage que son auteur.
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